Ses tableaux s’exposent partout dans le monde. Mais jusqu’au 17 septembre, Gérard Fromanger expose à Saint-Junien dans le Limousin. Une ville avec laquelle il garde un lien très particulier. Il a même dédié un tableau à une Saint-Juniaude. L’artiste était en visite lors du vernissage de l’exposition.

Il s’est tissé un lien presque mystique entre Saint-Junien et Gérard Fromager. Un rapprochement qui a débuté par une romance. Pendant plus de 10 ans, le peintre de la nouvelle-figuration a aimé l’une de ses habitantes. Elle lui racontait souvent la vie de sa grand-mère qui travaillait dans une ganterie de la ville. Séparés à cause « d’une broutille », il a pu toucher du doigt ces techniques anciennes à l’occasion du vernissage de son exposition « Annoncez la couleur » à la Halle-aux-grains ce mercredi 12 juillet.

Reportage France 3 Limousin A. Martinez / J. Arnal / M. Haranger

Messager du peuple

Dire de Gérard Fromager qu’il est un rebelle serait probablement réducteur. Il est sûrement plus que ça. Sous le règne de Mao Tse Tung en Chine, il était très difficile d’exercer comme artiste. Le maoïsme en a brisé de nombreux, jusqu’à effacer toute trace de leurs créations. Les commissaires de la « pensée juste » et les « gardes rouges » détruisaient leurs œuvres, même plusieurs années après la mort de Mao en 1976. En 2012, c’est une rétrospective sur Andy Warhol qui a été censurée par Pékin et Shanghaï, les portraits bariolés de l’homme d’État n’étant pas admis.

Gérard Fromager a été l’un des premiers de sa génération à braver l’interdit. Il se rend en Chine en 1974 pour s’interroger sur les mutations de la société contemporaine. Voulant rencontrer les artistes chinois en activité, sa demande est rapidement refusée : officiellement, ils sont soit disparus, soit en rééducation. Il est ensuite orienté vers des peintres amateurs, qui sont aussi des paysans.

Ils faisaient des tableaux d’environs 5-6 mètres de haut sur 30 mètres de long, entreposés dans les champs.

Gérard Fromanger lors du vernissage à Saint-Junien

De son voyage est né le tableau « En Chine, à Hu-Xian » de la série « Le désir est partout ». Ce qui frappe au premier regard est cette opposition entre les couleurs chaudes et froides, entre les personnages et le fond gris. De cette explosion de teintes, on remarque aussi deux personnages en chemise blanche à droite, les responsables du parti communiste. Gérard Fromanger conçoit son art comme un engagement. L’inscription chinoise présente dans le tableau signifie « Servir le peuple ».

Rouge est la contestation

Deuxième point qui caractérise le français, sa capacité à saisir les modes et à pleinement les intégrer dans sa peinture. Appartenant au mouvement de la figuration narrative, ses modes de représentations ne sont jamais figés. Il réinterprète plusieurs photographies en noir et blanc en y imposant la couleur, en soulignant certains détails. Les plans se superposent, les silhouettes sont détourées et plusieurs éléments figuratifs se répètent. Le rouge est une teinte qui revient souvent dans ses œuvres, la couleur de la résistance.

Fromanger déconstruit l’image et décompose la couleur. Ces permutations lui permettent de révéler les composantes de la quadrichromie. Le rouge s’impose à lui à partir de mai 68 et de la marche sociale ne le laisse pas indifférent. Il coréalise d’ailleurs un film de trois minutes avec Jean-Luc Godard.

Rouge, c’est un nom, mais comme rose ou blanche, cela pourrait être aussi un prénom et Gérard Fromanger pourrait tout aussi bien s’appeler Rouge Fromanger. Celui lui irait comme un gant.

Jacques Prévert en 1971

Adrien Pittore

Source : Gérard Fromanger, le messager du peuple, s’expose à Saint-Junien